mardi 3 mai 2011

Roberto JUARROZ - Poésie Verticale (2)

A la racine de la parole
jouent diverses amours, 
mais aussi une sombre couleur,
pareille aux drapeaux d'une bataille perdue.


Parler c'est vivre d'une autre manière,
mais aussi mourir d'une autre manière, 
comme si vivre était mourir,
comme si mourir était vivre.


A la racine de la parole
tout amour va au-delà de ce qu'il aime, 
mais en ramène une fleur imprudemment obscure
et reconnaît qu'il n'ira pas plus loin.


De là vient qu'après la parole
à sa racine s'ouvre un espace sans passion ni sarcasme, 
un espace d'où peut librement se lever
l'absence plus qu'humaine qui habite dans l'homme. 


*


Un amour au-delà de l'amour, 
plus haut que le rite du lien, 
au-delà du jeu sinistre
de la solitude et de la compagnie. 


Un amour qui n'ait pas à revenir, 
mais non plus à s'en aller.
Un amour non soumis 
aux frénésies d'aller et venir, 
d'être éveillés ou endormis, 
d'appeler ou de se taire. 


Un amour pour être ensemble
ou pour ne l'être pas, 
mais aussi pour tous les états intermédiaires. 


Un amour qui serait comme ouvrir les yeux, 
Et peut-être aussi comme les fermer. 








Roberto JUARROZ, Cinquième Poésie Verticale, 1974.

(Les recueils de Poésie Verticale sont traduits de l'argentin en quinze tomes aux éditions Le Cornier et José Corti).

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